Ségrégation et lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis.
Posté par bricabraque le 24 septembre 2007
Martin Luther King à la tribune le 28 août 1963.
L’esclavage:
Les noirs d’Amérique furent des esclaves, privés de toute liberté, avant d’être des exclus du système politique. En 1790, le premier recensement de la population américaine établit que sur les 3,9 millions d’habitants que compte la jeune République, 19,3% sont noirs. On compte 697 624 esclaves sur les 757 181 noirs qui vivent dans le pays, à 90% ans les Etats du sud. Pourtant, d’après
la Déclaration d’indépendance, « tous les hommes naissent égaux… ».
La Constitution fédérale (1787), en revanche, reconnaît l’existence de l’esclavage.
Les grands propriétaires terriens recherchent cette main d’œuvre soumise, peu coûteuse, capable de résister au climat subtropical. Les esclaves cultivent le tabac, le maïs, la canne à sucre et surtout le coton. Ils servent aussi de domestiques.
Malgré l’essor du mouvement abolitionniste au milieu du XIXème siècle, l’esclavage n’est pas remis en cause jusqu’à la guerre civile (1861- 1865), conflit économique, politique et culturel. Le gouvernement fédéral, avec à sa tête le nouveau président Abraham Lincoln, proclame l’émancipation des esclaves.
La ségrégation raciale aux Etats-Unis:
A la fin du conflit, le 13eme amendement à la Constitution supprime l’esclavage (1865), tandis que le 14eme (1868) reconnaît les mêmes droits, « la protection égale des lois » à tous les citoyens des EU. Le 15eme (1870) interdit de restreindre le droit de vote à des citoyens pour « cause de race, couleur ou condition antérieure de servitude ».
Or, les esclaves libérés ne possèdent pas de terres, il leur est à peu près impossible de sortir de la pauvreté. Les noirs peuvent voter, ont des élus qui siègent dans les assemblées législatives. Mais cette égalité politique ne dure guère. Une fois, les troupes fédérales (du Nord) parties des Etats vaincus (ceux du Sud), l’hostilité d’une majorité de blancs à l’égard des noirs, considérés comme inférieurs, ressurgit. Des mouvements racistes comme le Ku Klux Klan (1861) s’organisent et sèment
la Terreur dans les anciens Etats esclavagistes.
Les pratiques de ségrégation se multiplient. Les races coexistent, mais ne vivent pas ensemble. Cette situation provoque de profondes inégalités. De fait, les Noirs, même si ils en ont le droit, ne peuvent pas voter (pressions, mesures discriminatoires…). La ségrégation spatiale devient rapidement la norme, à tel point qu’en 1896
la Cour suprême fédérale rend un arrêt qu’on résume en trois mots : « séparés, mais égaux ». Les juges estiment conforme à la Constitution la séparation entre les races dans les wagons de chemin de fer, donc dans tous lieux publics. Cette situation va perdurer près de 75 ans dans les Etats du Sud. Les discriminations sont légions.
Citons en quelques unes :
- l’obligation faite aux noirs de céder leur place aux Blancs dans les autobus urbains et d’aller au fond de la voiture. - l’exclusion des syndicats ; - les salaires inférieurs ; - l’interdiction des mariages interraciaux.
Rassemblement du KKK Dans les villes du Nord aussi, la ségrégation spatiale se développe avec l’afflux de nombreux noirs du Sud. Des ghettos naissent, qui regroupent les Noirs dans des quartiers qui se vident de leurs populations blanches et qui se délabrent rapidement en raison des difficultés économiques et sociales qui frappent de nombreux Noirs.
Face aux discriminations, les Noirs réagissent de différentes manières :
- haine de soi pour certains, avec la volonté de paraître plus blanc ; adoption d’un luxe tapageur afin de montrer qu’on est pleinement intégré dans la société ambiante.
- d’autres acceptent la différence, tâche de grimper peu à peu dans la hiérarchie sociale comme le propose Booker T. Washington, dans l’espoir d’accéder à l’égalité avec les Blancs.
- certains affichent avec fierté leur identité distincte.
- d’autres enfin se lancent dans des procédures judiciaires afin d’obtenir une amélioration de leur sort à l’instar dela National Association for the Advancement of Colored People.
Des Américains blancs ont toujours lutté pour l’égalité raciale, mais leur tâche s’avère difficile face à des associations comme le KKK qui multiplie les lynchages. La situation ne progresse guère jusqu’aux 1950’s. Ainsi, ce n’est qu’en 1948, que le président Truman impose l’intégration raciale des forces armées (pendantla Seconde Guerre mondiale, les soldats américains combattent en unités ségrégées le nazisme pour la liberté et l’égalité…).
La lutte pour les droits civiques:
En 1954, la NAACP remporte une grande victoire devant la Cour suprême, puisqu ‘elle déclare que la ségrégation scolaire va à l’encontre de la Constitution (arrêt Brown v. Topeka Board of Education). Or, l’injonction juridique n’est pas respectée dans les Etats du sud profond. En 1957, le gouverneur de l’Arkansas, Faubus, mobilise la garde républicaine afin d’empêcher l’inscription de jeunes noirs dans l’école de Little Rock. Vers 1960, moins de 1% des enfants noirs du sud étaient scolarisés dans des écoles intégrées.
Manifestation de la NAACP britannique.
Le mouvement pour les droits civiques naît symboliquement le 1er septembre 1955 lorsque Rosa Parks refuse de céder sa place à un blanc dans un bus à Montgomery, dans l’Alabama. Sous la direction du pasteur Martin Luther King, les noirs boycottent les autobus de la ville, ce qui aboutit à la déségrégation des transports intra urbains. MLK et sa Southern Christian League prônent la désobéissance civile et la non violence pour abattre « Jim Crow ». La marche de Washington en août 1963 de près de 300 000 noirs et libéraux blancs qui se termine par le très beau discours de King, permet, elle aussi, de faire évoluer les esprits. Martin Luther King au pupitre, Rosa Parks au premier rang.
Le système de ségrégation agonise à partir du début des années 1960 sous la présidence de J.F. Kennedy et surtout avec son successeur L. Johnson, dont la grande loi sur les droits civiques de 1964, interdit toute forme de discrimination et de ségrégation dans les lieux publics. C’est de l’Affirmative action, politique volontariste d’intégration des noirs dans tous les secteurs de la vie professionnelle, avec la mise en place de quotas.
Répression violente des manifestations pacifiques.
En 1965, après la marche de Selma (en mars) et les émeutes de Watts (en août), Johnson fait voter le Voting right Act, et suspend les clauses restrictives qui avaient éliminé les électeurs noirs des listes. Le système pervers et destructeur de la ségrégation était moribond, mais pas les discriminations ni les violences. De nombreuses émeutes continuent à ensanglanter les ghettos des grandes métropoles américaines. A la suite des actions racistes des blancs du sud ou des traitements humiliants subis lors des heurts avec la police, enfin après l’assassinat de personnalités comme MLK en 1968. On assiste aussi à une radicalisation progressive des organisations noires,la Southern Christian Leadership Conference est rapidement dépassée par des mouvements qui revendiquent l’usage de la violence, incitent les noirs au séparatisme et souhaitent l’instauration d’un « Black power ».
Radicalisation du mouvement avec les Black Panthers
Sources : L’Histoire n°197, mars 1996, « Esclaves, exclus, citoyens » par André Kaspi. Les archives du Monde 2 du 16 octobre 2004.
L’Histoire n°306, février 2006, « Les Etats-Unis : un siècle de ségrégation » par Pap Ndiaye.
Liens et documents utiles:
- Regardez le très beau discours de Martin Luther King lors de la marche de Washington:
http://www.dailymotion.com/video/x2vlq1
- le discours en version originale et sa traduction en français.
- Le mouvement en faveur des droits civiques en photos
- Une biographie de MLK et une video intéressante sur le blog de Jérôme Picq.
N’oublions jamais qui nous sommes, jamais… Tout bonnement, extraordinaire!!!
allez tous!!!
Merci pour cet excellent travail que je vais utiliser pour mon cours. Je vous mets en lien sur mon site de classe à l’adresse suivante :
http://www.weblettres.net/blogs/index.php?w=capdebonneesper
Félicitations.
Avec « mon blog partenaire » sur Weblettres, nous avons parlé de la mort, ces jours-ci, de la « pionnière des mariages interraciaux » aux Etats-Unis. Son existence est moins connue que celle de Martin Luther King ou bien de Rosa Park, mais elle était aussi quelqu’un qui a osé dire « non ».