Matoub Lounès.
Posté par bricabraque le 7 novembre 2007
Matoub Lounès en concert.
Lounès Matoub, héraut de la culture berbère, mais également défenseur de la laïcité et de la démocratie, est assassiné le 25 juin 1998, à quelques kilomètres de son village natal (Taourit Moussa). Si le GIA revendique l’assassinat dès le 30 juin, les circonstances du meurtre restent obscures. L’annonce de sa mort a provoqué consternation et colères dans toute
la Kabylie. De nombreux jeunes dénoncent alors l’intégrisme et l’incapacité du pouvoir. En éliminant le chanteur, les intégristes ont cherché à faire taire un homme qui symbolise la résistance à l’islamisme. En 1988, un gendarme le blesse grièvement. En 1994 déjà, il avait été enlevé par le GIA le 25 septembre 1994 et n’avait dû sa libération, le 9 octobre 1994, qu’à la mobilisation populaire des Kabyles.
Tout au long de sa carrière, Matoub Lounès sut marier le chant poétique Kabyle au chaâbi, musique populaire algérienne, dérivée de la musique arabo-andalouse. Il utilise le chant amazigh, allié à la mandole, instrument traditionnel.
Pochette de l’album « lettre ouverte aux… »
Dans son œuvre, il n’eut de cesse de dénoncer la corruption du pouvoir, et la censure qu’il impose et dont il fut victime. Dans son dernier disque, sorti quelques semaines avant son assassinat, « Lettre ouverte aux… », il n’hésite pas à parodier l’hymne algérien et dénonce une nouvelle fois le pouvoir en place. Autre cible favorite de Lounès, l’islamisme qui gangrène alors l’Algérie, aux prises avec une guerre civile particulièrement meurtrière (en 1992, la victoire électorale du Front islamique du salut est annulée par les militaires algériens. Dès lors, les massacres de civils perpétrés par le Groupe Islamique armé, ensanglantent l’Algérie durant une dizaine d’années).
Face à la dictature et l’obscurantisme religieux, Matoub Lounès appelle de ses vœux la démocratie et la laïcité. Il se fait le porte parole des laissés pour compte, de tous ceux qui doivent lutter pour défendre leurs droits (les femmes notamment). Il défend la culture amazighe, qui peine à trouver sa place face à l’hégémonie de la langue arabe, que privilégie le pouvoir.
L’exception berbère remonte à la conquête arabe. La langue berbère (tamazagiht) présente un cas exceptionnel de résistance face aux agressions extérieures.
Ainsi, dans les années 1980, les manifestations se multiplient en Kabylie afin d’obtenir l’officialisation de la langue berbère (Printemps berbère). Or, cette volonté d’une meilleure reconnaissance des spécificités culturelles kabyles est contrecarrée par le durcissement de l’arabisation en Algérie dans les années 1990. Lors de l’été 1998, la région s’embrase à nouveau avec l’entrée en vigueur d’une loi qui généralise l’usage de la langue arabe dans tous les domaines. La colère atteint son comble avec l’assassinat de Matoub Lounès.
Manifestation de jeunes Kabyles.
En avril 2001, les violences policières accentuent encore les tensions en Kabylie : c’est le printemps noir. Les revendications autonomistes sont portées par le Mouvement pour l’autonomie de
la Kabylie, à l’écho limité. Aujourd’hui, la majorité des Kabyles aspirent à une véritable reconnaissance de la pluralité culturelle en Algérie, donc de l’identité berbère (en 2002, le berbère est reconnu comme langue nationale, l’arabe restant a langue officielle). La popularité de Matoub Lounès reste immense en Kabylie et son message plus que jamais d’actualité. Laissons les derniers mots au chanteur, qui affirmait : » Je suis de la race des guerriers. Ils peuvent me tuer mais ils ne me feront jamais taire. Je préfère mourir pour mes idées que de lassitude ou de vieillesse ».
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