Le Cambodge aux mains des Khmers rouges.
Posté par bricabraque le 13 novembre 2007
Entrée des Khmers rouges dans Phnom Pen, en avril 1975.
Fin 1953, le Cambodge accède à l’indépendance, après des années de lutte contre
la France, avec à sa tête le prince Sihanouk. C’est ce monarque constitutionnel qui utilise l’expression « Khmer rouge » pour désigner l’opposition de gauche (khmer désigne l’ethnie majoritaire au Cambodge). Très rapidement, le régime prive l’opposition de toute forme d’expression.
C’est la raison pour laquelle cette dernière se retire dans les maquis afin de mener la lutte contre le pouvoir en place. Pol Pot, chef du Parti communiste fondé en 1960, entre ainsi dans la clandestinité.
Les conditions d’accession des Khmers rouges au pouvoir :
- D’abord l’Etat de déliquescence dans lequel se trouve le jeune Cambodge après des années de lutte dans le cadre de la guerre d’Indochine, à laquelle succède bientôt la guerre du Vietnam.
- Le premier ministre Son Nol, soutenu par les EU, renverse le prince Sihanouk en mars 1970 et proclame
la République. Sihanouk doit s’allier aux Khmers rouges afin de retrouver son pouvoir. Il forme ainsi, avec ces derniers, un gouvernement en exil en Chine. Dès lors, une guerre civile sévit durant cinq ans dans le pays. Les bombardements américains se multiplient sur le Cambodge. Deux camps s’opposent :
la République khmère de Lon Nol, soutenue par les EU et le Vietnam sud face à la coalition monarchistes-khmère rouge (Sihanouk et les communistes), aidée par
la Chine et le Vietnam nord.
Pol Pot.
Le 17 avril 1975, les Khmers rouges entrent dans Phnom Pen et fonde bientôt un nouveau régime, le Kampuchéa démocratique. Sihanouk est placé sous résidence surveillée. Ils conserveront le pouvoir près de quatre ans, en pratiquant une politique de terreur systématique.
Le nouveau régime entend imposer un égalitarisme absolu dans le pays et mène une Révolution radicale et immédiate. Les Cambodgiens doivent se soumettre au nouveau pouvoir et renoncer à l’argent, leur famille, leur religion (abolition du commerce, de l’argent, collectivisation des biens, fermeture des tribunaux et des hôpitaux)… Il convient de briser les solidarités anciennes pour créer une société nouvelle fondée sur une idéologie égalitariste. L’individu doit se fondre dans la communauté. Toute forme de contestation est synonyme d’arrêt de mort.
Les Khmers rouges se lancent dans des opérations spectaculaires : sitôt prise, la ville de Phnom Pen est vidée de ses 2,5M d’habitants, déportés dans les campagnes. Aux yeux des Khmers rouges, la ville représente la corruption, la débauche.
Les intellectuels, jugés fourbes ; les cadres et soldats de l’ancien régime républicain de Lon Nol ; les immigrés vietnamiens, « traîtres en puissance » pour Pol Pot ; certaines minorités comme les Cham, musulmans cambodgiens, les communautés chinoises deviennent les cibles favorites du régime et sont victimes de répression.
En fait, tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule imposé par Pol Pot et ses proches, sont tués. Mey Mann, un des familiers de Pol Pot résume la situation ainsi: « Pol Pot voulait que tous les Khmers mesurent 1,60 mètre exactement, et on coupait tout ce qui dépassait. »
La surveillance et un contrôle de tous les instants s’abattent sur les Cambodgiens, contraints de travailler dans des coopératives d’Etats ou sur les grands chantiers. Les milices de village (chhlorp) espionnent et dénoncent. Aucun système judiciaire n’existe, la torture et les exécutions sommaires sont érigées en mode de gouvernement. Le climat de terreur est entretenu par la discrétion des exécutions, dans les zones reculées de chaque village ou dans le centre de torture de Tuol Sleng (autrement appelé S-21), à Phnom Pen.
Photos de vicitmes des Khmers rouges, torturées à Tuol Sleng ou S21.
Ces massacres, auxquels s’ajoute la famine provoquée par la désorganisation complète de l’agriculture cambodgienne, entraînent la mort d 1,5 million à 2 millions de Cambodgiens, pour une population de 7 millions d’habitants à l’époque (famines et maladies auraient provoqué 1 million à 1,5million de morts ; auxquels s’ajoutent 500 000 victimes d’exécutions).
Certains qualifient ces massacres de génocide, voire d’« auto génocide ». Il semblerait plutôt qu’il s’agisse de crimes contre l’humanité à très grande échelle, dans la mesure où il n’y a pas une « intention de détruire, totalement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Les Chams, les Vietnamiens ne sont pas tués pour des raisons raciales, mais parce qu’ils ne se conforment pas au modèle khmer rouge.
Traduction du règlement accroché dans les cellules de Tuol Sleng.
Le régime s’écroule le 7 janvier 1979, avec l’entrée des troupes vietnamiennes dans Phnom Pen, qui imposent un régime révolutionnaire et occupent le pays pendant dix ans. Les Khmers rouges, appuyés par
la Chine, engagent la guérilla dans l’ouest du pays et ne désarmeront que très tardivement.
Pol Pot est jugé par ses anciens camarades en 1997 et meurt de vieillesse un an plus tard.
Lien:
- Quatre articles sur les procès des responsables des massacres au Cambodge sur le blog de M. Augris. Un reportage d’Arte sur ces douloureux événements (merci pour l’information M. Augris):rediffusion le 24/11, à 6h. Voir aussi la présentation sur le site d’Arte.
- 1949: la Chine devient communiste (Mao fait figure de modèle pour Pol Pot); un bel article sur l’excellent blog de M. Tribouilloy
-Portfolio sur une des grandes tragédies du XXème siècle, sur le site du Monde et un article sur Khieu Samphan, récemment arrêté .
Pour compléter: deux courtes videos.
- la première réalisée par les blogtrotters sur le S21, le centre de torture des Khmers rouges, dans lequel 20 000 Cambodgiens furent massacrés.
- La seconde composée d’images d’archives, sans commentaires, mais avec des commentaires écrits.
Pour suivre l’actualité du Cambodge, le site Cambodia – Cambodge