Le coup de Prague
Posté par bricabraque le 27 novembre 2007
Le président Edvar Benès.
C’est l’Armée rouge qui délivre la Tchécoslovaquie du joug nazi, ce qui permet au gouvernement Bénès, président de
la République avant la guerre, et parti en exil à Londres, de recouvrer le pouvoir en 1945.
La nouvelle République mêle démocratie parlementaire et planification de type socialiste, avec nationalisation des industries clefs et des banques. Les accords de Yalta sont respectés dans le pays (l’URSS ne surveillait Prague que d’un œil discret, en raison du poids politique du PC Tchécoslovaque, qui la rassure et de la situation géographique du pays, aux portes de l’ »Occident »). Le gouvernement de Front national, qui rassemble cinq partis politiques, parvient à organiser des organisations libres, qui voient la victoire du Parti Communiste Tchécoslovaque (38% des voix), bénéficiaire de la popularité du régime soviétique, libérateur du pays. Un gouvernement de coalition, dirigé par le leader communiste Klement Gottwald, est formé. L’aide économique américaine du plan Marshall s’adresse à toutes les nations européennes, y compris l’URSS et les Etats d’Europe de l’est. Le gouvernement tchécoslovaque accepte l’aide dans un premier temps, mais se voit contraint de la refuser par Moscou (juillet 1947). Ce veto soviétique provoque la dégradation des relations au sein de la coalition gouvernementale et illustre l’influence de l’URSS sur le pays.
Gottwald à la tribune, le 25 février 1948.
Gottwald pressent que cette prise de position risque de lui aliéner de nombreux électeurs pour les prochaines élections, prévues pour mai 1948. Aussi, lors d’une session du Comité central du PCT (novembre 1947), il élabore, avec le soutien du Kominform, une stratégie offensive destinée à assurer la prise de pouvoir des communistes, tout en évitant les violences trop visibles. Il entend :
- s’assurer l’appui de membres des partis non communistes ;
- maintenir son audience dans son électorat populaire en multipliant les propositions démagogiques (hausses de salaires) ;
- utiliser une propagande glorifiant le fidèle allié soviétique, libérateur du pays et fidèle à la cause des slaves. La mainmise des communistes sur le ministère de l’information permet en outre accroît encore leur influence sur l’opinion publique.
- contrôler les services de sécurité (le SNB) et de police, ce qui permet d’évincer sans difficultés les éléments gênants (accusations fallacieuses, intimidations…).
La nomination, le 13 février 1948, de commissaires de police communistes met le feu aux poudres. Les ministres non communistes du gouvernement de coalition démissionnent, espérant provoquer la chute du gouvernement et son remplacement par un autre, moins soumis aux communistes.
Une des manifestations orchestrées par le PCT, à Prague en février 1948.
En fait, ces démissions assurent à ces derniers le monopole du pouvoir. Dans le même temps, la presse communiste multiplie les accusations de trahison à l’encontre des démissionnaires et exploite l’aide matérielle soviétique (céréales). Le PCT organise des manifestations d’ouvriers armés, groupés en « milices populaires », qui sillonnent Prague et occupent les sièges des autres partis politiques.
Le 25 février, inquiet face à la situation qui lui échappe, le président Bénès entérine la démission les démissions et forme un nouveau gouvernement, composé d’une majorité de communistes et dirigé par K. Gottwald. Jan Masaryk, le ministre des affaires étrangères, non communiste, fils du fondateur de
la République (), tombe mystérieusement d’une fenêtre le 20 mars… Aux élections de mai, une liste communiste unique est proposée aux électeurs. Le processus s’achève en juin 1948 avec la démission de Bénès, qui refuse de signer la nouvelle constitution. Gottwald le remplace.
La Tchécoslovaquie devient ainsi une démocratie populaire.
Staline et Gottwald sur une affiche de propagande (analysée par M. Tribouilloy sur son blog).
Conclusion : La stratégie communiste s’est avérée payante. Ils ont su aussi tirer parti de l’apathie ou des hésitations des partis modérés. En tout les cas, plus qu’un simple « coup », il s’agit d’une opération minutieusement préparée.
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