1953: Berlin-Est
Posté par bricabraque le 29 novembre 2007
En juin 1953, quelques mois après la disparition de Staline, des révoltes ouvrières éclatent dans de nombreuses villes est-allemandes, notamment dans la partie orientale de Berlin. Plusieurs éléments d’explication peuvent être avancés pour expliquer cette remise en cause du modèle soviétique au sein du bloc de l’Est.
- Dans les années 1950, de nombreux quartiers de Berlin-Est sont toujours en ruine. L’importation du modèle économique stalinien engendre une pénurie des produits de consommation courante. Les files d’attente devant les magasins font très vite partie du quotidien. Cette situation se révèle particulièrement intolérable pour des populations qui constatent et envient la prospérité des secteurs occidentaux de la ville (enclaves pro-occidentales au coeur de la RDA). D’ailleurs, près de 225 000 émigrés est-allemand tentent de s’implanter à l’ouest au cours du premier semestre de 1953 (les passages permettant la communication entre les deux parties de Berlin sont encore nombreux).
- Les exigences de planification imposée par Moscou aggravent ces conditions et suscitent le mécontentement: industrialisation à outrance, transfert autoritaire de la main d’oeuvre agricole vers les usines. Surtout, l’URSS se livre au pillage de l’économie de la RDA (contrôle des ressourecs énergétiques, transfert de 40% des usines vers le territoire soviétique).
- Enfin, l’absence de souveraineté de la RDA, soumise aux décisions de Moscou et dirigée d’une main de fer par Walter Ulbricht, le secrétaire général du SED (le PC est-allemand), paraît particulièrement insupportable.
Les chars sont entrés dans Berlin-Est.
En 1953, les niveaux de production de la RDA restent bas. Aussi le PSE impose le relèvement de 10% des normes de productivité, sans augmentation salariale. Cette décision met le feu au poudre. Ce sont les ouvriers du bâtiment, qui travaillent sur les chantiers de la Stalinallee (avenue de 3km de long et nouvel axe majeur de Berlin Est), qui déclenchent le soulèvement.
Le 16 juin 1953, les ouvriers forment une petite délégation, en marge des organisations syndicales, récupérées par le SED. Il souhaitent rencontrer les autorités et réclament le retour aux anciennes normes de production et la diminution des prix des produits de base (la mise en place des kholkozes est-allemands, les LPG, entraîne une désorganisation de l’agriculture et le pays se trouve en situation de pénurie alimentaire en juin 1953). Mais, très vite, les revendications s’élargissent puisqu’ils exigent la tenue d’élections libres, la réunification de l’Allemagne et en appellent à la grève générale.
Le 17 juin, cette grève se transforme en révolte populaire. Près de 60 000 manifestants affrontent la police en utilisant les matériaux des chantiers comme projectils. La radio américaine de Belin-ouest relaie les revendications des ouvriers et joue un rôle dans le développement du mouvement. Les bureaux du SED sont saccagés, des manifestants hissent le drapeau noir-rouge-or sur la porte de Brandebourg, en remplacement du drapeau rouge, ils scandent le slogan suivant: « nous sommes des travailleurs, pas des esclaves! Mettez fin au racket! Nous voulons des élections libres » (cf: R. Havemann: l’homme aliéné).
Cette situation est bien sûr intolérable pour les soviétiques. L’état de siège est proclamé. Les chars du commandement soviétique de Berlin-est interviennent, avec l’appui de la police est-allemande. Des combats de rue font rage. Dans la soirée, la ville est sous contrôle, mais il faut attendre plusieurs jours avant que le calme ne règne vraiment.
Les chars soviétiques rentrent dans Berlin Est, afin de mâter la révolte.
La répression est rude, puisque l’on compte des centaines de morts, près de 1400 arrestations (par la stasi), des déportations en URSS.
La Pravda, organe officiel du PCUS, estime qu’il s’agit d’une révolte manipulée par les services secrets occidentaux. Les émeutes entraînent l’arrestation de Beria, successeur potentiel de Staline (voir l’article de M. Tribouilloy sur ce sujet), puis son exécution immédiate.
Les occidentaux, très en retrait dans cet épisode, reste plutôt indifférents. L’absence d’une structure solide d’encadrement à la tête des mouvement explique, en partie, son échec. En tout cas, l’URSS doit désserrer son étreinte (des aides économiques à la RDA sont décidées), car il s’agit d’une première contestation grave du modèle soviétique dans un Etat satellite. L’événement accélère encore la fuite des Allemands de l’est vers la partie occidentale de Berlin, exode que seule l’érection du mur, en août 1961, arrêtera.
http://www.dailymotion.com/video/1QRMOEb4iM9n1fTgU
Un documentaire qui revient sur ces émeutes dans Berlin-Est.
Sources:
- Boomer café, le site des fifties.
- « Le Monde contemporain » de F. Armand et F. Barthélémy, Le Seuil, Paris, 2004.
Lien: un article sur l’Allemagne dans la guerre froide sur le blog de M. Augris.
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