Le 17 octobre 1961.
Posté par bricabraque le 31 janvier 2008
A la fin 1961, des négociations sont ouvertes entre le gouvernement français et le Gouvernement Provisoire Algérien, l’instauration d’un Etat algérien indépendant ne fait plus guère de doute. Dans le contexte des Trente glorieuses, le manque de main d’œuvre en France incite les entreprises françaises à recruter des hommes en Algérie et au Maroc.
La France compte alors 400 000 immigrés algériens dont 150 000 en région parisienne.
La répression s’abat sur les manifestants (au premier plan, le redoutable bidule).
Ils vivent dans des hôtels à Paris ou dans des bidonvilles surpeuplés comme celui de Nanterre, où 15 000 Algériens composent avec des conditions d’existence difficiles : habitat précaire surpeuplé dans des terrains vagues sous-équipés, manque d’eau et d’hygiène qui entraînent le développement de maladie comme la tuberculose.
Vue du bidonville de Naanterre dans les années 1960.
Ces populations vivent dans un climat d’insécurité permanente depuis le début de la guerre d’Algérie (1954). Ils subissent des contrôles de police constants et sont victimes du racisme ordinaire : les insultes fusent, les violences sont légions. Surtout, les autorités imposent un couvre-feu à ces « Français musulmans d’Algérie ». Or, pour exercer les contrôles, les policiers se fondent sur l’apparence physique. Le couvre-feu légalise en quelque sorte le délit de faciès.
Les journalistes de France-Oservateur affirme dans l’édition du 26 octobre 1961 : « La chasse à l’homme qui s’est instaurée dans la région parisienne, ce n’est même pas la chasse au FLN. C’est la chasse à l’Arabe- qu’il soit tunisien, marocain ou algérien[…] »
Depuis 1958, avec la radicalisation du conflit et l’arrivée au pouvoir de de Gaulle, le ministère de l’intérieur se lance dans une stratégie répressive, faisant des immigrés algériens les responsables de la défaite de l’Algérie française. Le préfet de police de Paris couvre les violences policières qui se multiplient dans la capitale : il couvre les bavures commises par les forces de l’ordre, les arrestations abusives, les actes racistes. Le soutien à l’OAS et le racisme assumé de nombreux policiers incitent beaucoup d’entre eux à se faire justice eux-même.
Le préfet de police Maurice Papon.
En 1961, les tensions s’accroissent encore avec une radicalisation des positions des principaux protagonistes du conflit. L’exaspération atteint son comble dans les rangs d’une police travaillée par l’extrême droite. En effet, le FLN prend pour cible les policiers et multiplie les assassinats. A partir de la fin août, ces attaques deviennent quotidiennes et constituent une menace permanente pour la police. Les policiers réclament la plus grande fermeté de la part du préfet de police, Maurice Papon. De nombreux policiers considèrent que les pouvoirs publics ne punissent pas assez vite ni assez durement les meurtriers de policiers. Ce dernier impose alors le couvre-feu aux « Français musulmans d’Algérie » à partir de 20 heures. Le couvre-feu vise à empêcher les attaques menées par le FLN qui ont lieu principalement le soir et la nuit.
Le FLN invite aussitôt à transgresser cette mesure et pousse les Algériens à converger vers le centre de Paris, dans le but de défiler sur les Champs-Élysées, à l’Opéra et au quartier latin. Le soir du 17 octobre 1961, plus de 20 000 Algériens manifestent à Paris et dans sa banlieue.
Le préfet de police, défié, ordonne de briser les cortèges et de multiplier les arrestations afin d’empêcher leur constitution. Sur le terrain, une répression d’une rare violence sévit. Les policiers chargent les manifestants, usant et abusant du « bidule », la longue matraque blanche des forces de l’ordre. Les coups pleuvent sur des individus désarmés. Cette répression entraîne des dizaines de morts (de 50 à 200 selon les spécialistes). Des dizaines de corps seront repêchés dans la Seine les jours suivants.
En réprimant la manifestation, Papon se fait l’exécutant des ordres du gouvernement, mais sa responsabilité dans cette répression ne saurait être mise en cause pour autant. Les propos qu’il tient lors des obsèques de policiers abattus début octobre 1961 semblent couvrir par avance les violences policières possibles: « Pour un coup reçu, nous en porterons dix », « vous serez couverts. »
La répression policière entraîne des dizaines de morts et de très nombreux blessés.
Les arrestations sont massives : 11538, près de la moitié des manifestants ! Entassés dans des bus bondés, ils sont acheminés vers des centres de détentions installés au Palais des sports de la Porte de Versailles, au centre de Vincennes, au stade Pierre de Coubertin. Les violences totalement gratuites se poursuivent alors dans ces centres de détention. Ces longues files d’attentes d’individus encadrés par une police omniprésente et parqués dans des lieux imposés, ne sont pas sans rappeler les rafles de juifs sous Vichy.
Sources :
- Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault : « la guerre d’Algérie », La documentation photographique, n°8022, août 2001.
- Le dossier pédagogique de Zéro de conduite consacré au film « Nuit noire ».
- J.P Brunet: « Enquête sur la nuit du 17 octobre 1961″, in Les collections de l’Histoire n°15.
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