Pendant la Seconde guerre mondiale, les Alliés inscrivent comme but de guerre le mise en jugement des criminels de guerre, une fois la capitulation du Reich obtenue. Au printemps, ils dépêchent donc en Europe des équipes (où l’on compte une majorité d’Américains) afin de rassembler des preuves. Devant l’ampleur des crimes commis, il convenait de mettre au point une structure nouvelle. A Nuremberg, haut lieu des rassemblements nazis, est donc crée un tribunal militaire international. Le procès des « grands criminels de guerre nazis » démarre le 20 novembre 1945.
Pour la première fois, la justice confronte les bourreaux aux images de leur barbarie. Joseph Kessel qui couvrait le procès pour France soir revient sur la projection d’un film tourné par les Alliés lors de la libération des camps: « Il ne s’agissait pas de montrer aux membres du tribunal un document dont ils avaient une connaissance approfondie. Il s’agissait de mettre tout à coup les criminels face à face avec leur forfait immense, de jeter pour ainsi dire les assassins, les bouchers de l’Europe, au milieu des charniers qu’ils avaient organisés, et de surprendre les mouvements auxquels les forcerait ce spectacle de choc. »
Le procès lui-même est filmé et instruit quatre chefs d’accusation.
* Crimes contre la paix et plan concerté ou complot, c’est-à-dire « la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d’une guerre d’agression ou d’une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un des quelconques actes qui précèdent » (chefs d’accusation 1 et 2).
Les accusés lors du procès.
* Crimes de guerre. Soit « les violations des lois et coutumes de guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l’assassinat, les mauvais traitements ou la déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou le mauvais traitement des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires » (chef d’accusation 3).
Ces lois et coutumes de la guerre ont été en particulier codifiées par les conventions de La Haye (1899-1907) et de Genève (1949).
* Crimes contre l’humanité, » c’est-à-dire l’assassinat, à l’extermination, la mise en esclavage, la déportation, et tout acte inhumain commis contre les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux, religieux » (chef d’accusation 4).
La notion de crime contre l’humanité fut élaborée pour le procès et constitue une véritable révolution juridique puisque ce crime est imprescriptible. Il fait prévaloir la notion de responsabilité individuelle, autrement dit les dignitaires nazis ne peuvent s’abriter derrière l’obéissance aux ordres reçus.
Les plaintes pour crime contre l’humanité peuvent être examinées par des tribunaux internationaux (comme ceux de Nuremberg ou de Tokyo au lendemain de la guerre ou le tribunal pénal international de La Haye mis en place en 1993 dans le contexte de la guerre en ex-Yougoslavie) ou par des tribunaux ordinaires (de droit commun) dans les pays où ont été perpétrés les crimes (ainsi Klaus Barbie a été jugé à Lyon en 1987. Ces crimes sont imprescriptibles en France depuis la loi du 26 décembre 1964).
La tenue de procès de Nuremberg souleva de nombreuses critiques. Beaucoup y virent une justice des vainqueurs, limitant la responsabilité des crimes aux seuls Allemands (ainsi les bombardements de populations civiles ne furent retenus, ce qui aurait pu avoir des conséquences fâcheuses pour les alliés [Dresde]). Surtout, l’adoption du chef d’accusation de crime contre l’humanité est rétroactif (il s’applique à des faits commis avant la mise en place de la loi).
Goering et son avocat dans la prison du tribunal à Nuremberg.
Comparaissent à Nuremberg 21 des 22 chefs nazis mis en accusation par les Alliés (EU, RU, Fr, URSS).
Il manque Martin Bormann, le bras droit de Hitler, disparu mystérieusement à Berlin en mai 1945. Il sera condamné à mort par contumace. 11 autres condamnations à mort sont prononcées (Herman Goering n°2 du régime, Joachim von Ribbentrop, ministre des affaires étrangères, Wilhelm Keitel, chef du commandement suprême des armées; Ernst Kaltenbrunner, adjoint de Himmler à la Gestapo; Alfred Rosenberg, idéologue du parti; Hans Frank, gouverneur général de la Pologne occupée, Wilhelm Frick, ministre de l’intérieur; Jules Streicher, directeur de presse, propagandiste antisémite; Fritz Sauckel, commissaire général à la main-d’oeuvre; Alfred Jodl, chef de l’état-major, Arthur Seyss-Inquart, commissaire du Reich pour les Pays-Bas). Tous seront pendus à l’exception de Goering qui s’empoisonne dans sa cellule à l’aide d’une pilule de cyanure.
- Trois sont condamnés à la perpétuité: Rudolph Hess, adjoint de Hitler jusqu’en 1941; Walter Funk, président de Reichsbank; Erich Raeder, commandant en chef de la marine jusqu’en 1943.
- Quatre écopent de 10 à 20 ans de prison: Karl Dönitz, commandant en chef de la marine à partir de 1943 (10 ans), Baldur von Schirach, chef de la jeunesse hitlérienne (20), Albert Speer, ministre de l’armement (20), Konstantion von Neurath, aux affaires étrangères jusqu’en 1938 (15).
- Trois acquittements: Hans Fritzsche, en charge de la propagande; Franz von Papen, vice-chancelier du Reich; Hjalmar Schacht, ministre de l’économie.
Sources:
- Le Monde 2 Hors-Série: « 1945: de la victoire des alliés au début de la guerre froide », décembre 2005.
- E. Melmoux et D. Mitzinmacker: « Dictionnaire d’histoire contemporaine », Nathan, 2008.
Liens:
- Un article très complet sur cet excellent site dédié à la Shoah: « Le procès de Nuremberg: les accusés, le verdict et le lien avec la Shoah« .
- Etude de cas: les grands procès de la Seconde guerre mondiale.
Pour aller plus loin:
- Joseph Kessel:”Jugements derniers”, Tallandier, collection Texto, 2007. Les talents d’écriture de Kessel nous plonge ici dans l’atmosphère de trois grands procès (de Nuremberg, de Pétain et d’Eichmann).