Entrée du camp d’Auschwitz
-a) Un génocide tu (1945-61) :
* A la Libération, s’instaure une mémoire patriotique de la déportation qui regroupe toutes les victimes du nazisme (politiques, raciales et de travail) sous le terme de « déportés » et qui confond camps de déportation et d’extermination. Le caractère spécifique du génocide juif (75 000 Français d’origine juive) et la responsabilité de Vichy sont gommés.
* les Juifs eux-mêmes ne souhaitent pas insister sur ce particularisme : ils n’en mesurent pas alors toute l’ampleur (comme le reste des Français) et veulent réintégrer au plus vite la communauté nationale après des années d’exclusion. Les associations de survivants véhiculent une mémoire individuelle, inscrite dans un groupe uni par la même expérience de la déportation.
Nuit et brouillard d’Alain Resnais.
* Nuit et brouillard est significatif de cette période (voir l’article de Lyonel Kaufmann en lien).
-b) Conditions de l’affirmation de la mémoire juive (1961-début des années 1980) :
* Un nouveau contexte international :
Eichmann lors de son procès à Jérusalem, en 1961.
- le procès Eichmann (1961) : cet organisateur de la « solution finale » est jugé à Jérusalem. De nombreux survivants viennent y témoigner. Emerge alors peu à peu une identité juive qui revendique la singularité absolue de la Shoah (« catastrophe »).
- en 1967, la guerre des Six Jours renforce, chez les Juifs de France, le sentiment d’appartenance à la communauté juive. La mémoire du Génocide devient, dès lors, constitutive de son identité, jusqu’à l’obsession parfois chez quelques-uns.
* Le contexte national :
Pierre Vidal-Naquet, pourfendeur des « assassins de la mémoire », les négationnistes.
- cette mémoire juive qui est en train de se constituer est alors attaquée par des thèses négationnistes réfutant l’existence des chambres à gaz et, donc, du génocide (le professeur lyonnais Robert Faurisson, en 1980 ; prétendue thèse d’histoire de Roche, à Nantes). Ces thèses accompagnent la renaissance de l’extrême droite autour de Jean-Marie Le Pen.
- la parole des survivants se libère peu à peu.
-c) La victoire de la mémoire juive :
* La mémoire du génocide occupe une grande partie de l’espace médiatique et culturel :
- création d’associations juives qui soutiennent tout ce qui concourt à étayer les témoignages et le souvenir. Par exemple, la FFDJF (Fils et Filles des Déportés Juifs de France), créée en 1979 par Serge et Beate Klarsfeld, veut mettre fin à l’impunité des principaux responsables allemands et français de la déportation.
- intense production de livres, films, émissions de télévision, articles de journaux : interview dans L’Express de Louis Darquier de Pellepoix, commissaire aux questions juives de 1942 à 1944 dans lequel il proclame, 35 ans après, que la Shoah est « une invention juive » (1978) ; diffusion du téléfilm américain Holocaust ; Shoah, le film de Claude Lanzmann (1985).
Affiche du film Shoah de Claude Lanzmann.
- travaux d’historiens comme ceux de Pierre vidal-Naquet.
* Les crimes contre l’humanité étant imprescriptibles depuis 1964, les associations réussissent à faire juger en France des responsables français et allemands de la déportation : Jean Leguay (1979), Paul Touvier (1981) et Maurice Papon surtout (1983, et procès tenu en 1987) ; dignitaires SS, comme Klaus Barbie (1983).
* Peu à peu, l’action des Juifs de France pousse l’Etat français à examiner l’attitude des autorités de Vichy pendant la guerre…
Klaus Barbie lors de son procès.
Liens:
- Nuit et Brouillard, un lieu de mémoire sur le superbe blog de Lyonel Kaufmann.
* Sur ce blog:
- Les procès français contre les criminels de guerre.
- La traque des nazis.