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Mémoires de la seconde guerre mondiale 4: le réveil des mémoires (après 1969).

Posté par bricabraque le 28 février 2008

Mémoires de la seconde guerre mondiale 4: le réveil des mémoires (après 1969). dans Mémoires de la Seconde guerre mondiale. 00068700

En 1971, premier électrochoc et premier scandale : le documentaire de Marcel Ophuls, Le Chagrin et la pitié.

 

a. Pourquoi?  

* Depuis les années 1970, les tabous entretenus jusque-là sur Vichy sautent les uns après les autres. Dans la presse, au cinéma ou dans les livres d’histoire, l’image héroïque d’une France massivement résistante s’efface derrière une représentation plus nuancée et moins glorieuse de la France occupée. 

 * A nouvelle génération, nouvel intérêt pour cette période : les enfants du baby boom, nés après la guerre, arrivent à l’âge adulte ; eux n’ont rien à se reprocher et veulent savoir ce qu’ont fait leurs parents pendant ces années sombres. 

* Le contexte international joue aussi : le procès Eichmann en 1961 a suscité un intérêt grandissant en France pour l’attitude de Vichy face aux Juifs.

rillieux dans Mémoires de la Seconde guerre mondiale.  

Issu d’une famille savoyarde très catholique, Paul Touvier adhère à la milice en 1943 et devient chef régional de cette dernière à Lyon, un an plus tard. Il fait assassiner 7 otages juifs de Rillieux-la-Pape le 29 juin 1944, pour venger l’assassinat la veille du collaborationniste Philippe Henriot.

 

  -b) Le tournant décisif :

 * En 1971, premier électrochoc et premier scandale : le documentaire de Marcel Ophuls, Le Chagrin et la pitié. La télévision, qui l’a financé, refuse de le programmer (implication du grand-père et du père de Giscard). Diffusé seulement en 1981 sur FR3, il attire alors 15 millions de téléspectateurs. Réalisé avec des témoignages et des bandes des Actualités françaises ou de la propagande allemande, il montre une ville de province, Clermont-Ferrand, pendant l’Occupation et les réactions contrastées des Français ordinaires (les uns résistants, les autres collaborateurs, le plus grand nombre attentistes). 

Pour Henry Rousso ( le syndrome de Vichy paru au Seuil en 1997), l’année 1971 marquée par la sortie du film d’Ophuls ouvre une troisième phase dans la mémoire des années noires. Après le deuil inachevé de l’immédiat après-guerre (de 1944 à 1954), le refoulements et rejeux (de 1954 à 1971), s’ouvre la phase du miroir brisé (de 1971 à 1974), avant l’obsession (depuis le milieu des années 1970).

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* Deuxième électrochoc en 1973 : paraît, aux éditions du Seuil, La France de Vichy, ouvrage d’un historien américain, Robert Paxton. L’auteur, à partir des archives allemandes, montre que Vichy, loin d’être un bouclier contre le nazisme, a au contraire insisté auprès des Allemands pour qu’ils acceptent une politique de collaboration, dès les premiers mois après la défaite. Pour lui, Vichy, loin d’être une « parenthèse », a laissé un lourd héritage. Surtout, Paxton met en lumière à quel point Vichy a participé de manière autonome à la répression contre les Juifs. 

* Autre événement qui bouscule les consciences : l’ « affaire Touvier », en 1971. Le président Pompidou prend discrètement une mesure de grâce en faveur d’un ancien responsable de la Milice, Paul Touvier, qui se cachait depuis sa condamnation à mort par contumace en 1946. L’année suivante, 2000 articles de presse lui sont consacrés et ravivent la mémoire de l’Occupation.

 

    -c) L’impulsion est donnée : 

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Lacombe Lucien conte les histoires d’un jeune paysan qui se range, par opportunisme, dans les rangs de la milice.

 

* Le cinéma : dans la foulée du Chagrin et la pitié, citons Lacombe Lucien (1974) de Louis Malle (d’après un scénario de Modiano), Section spéciale (1975) de Costa-gravas, L’Affiche rouge (1976), Le Dernier Métro (1982) de François Truffaut, autant de films consacrés aux « années noires ». 

* La recherche historique : en 1978, sur 130 sujets de thèse déposés, 57 portent sur la période de Vichy et l’Occupation. 

 

Source:

- Divers manuels de Terminale.

 

Conseils de lecture:

- Henry Rousso:”le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours”, Seuil, 1990.

- Henry Rousso et Eric Conan: »Vichy, un passé qui ne passe pas. », Fayard, 1994.

- Pierre Laborie: L’opinion française sous Vichy : les Français et la crise d’identité nationale 1936-1944, Editions du Seuil, Paris. Poche. 2001.

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Les mémoires de la seconde guerre mondiale 3: prisonniers de guerre et collaborateurs.

Posté par bricabraque le 27 février 2008

La mémoire des prisonniers de guerre et des déportés. 

* Les soldats français ne peuvent pas, à la différence des « poilus » de la Grande Guerre, se glorifier de leur combat, malgré leurs 190 000 morts. 

Les mémoires de la seconde guerre mondiale 3: prisonniers de guerre et collaborateurs. dans Mémoires de la Seconde guerre mondiale. Maginot

Hiver 1939. Soldats dans les galeries souterraines d’un ouvrage de la ligne Maginot. Source : SHD

 

 * Les 1 500 000 prisonniers sont eux aussi des soldats vaincus, donc des anti-héros. Preuve vivante de la plus grande défaite que la France ait connue, ils sont condamnés à l’oubli. 

* Dans une certaine mesure, c’est aussi le cas des déportés dans les camps de concentration : ils dérangent. Ils rappellent aux Français leur attitude pendant la guerre, leur donnent mauvaise conscience et les empêchent d’oublier. Pendant une vingtaine d’années, ils se murent dans le silence, faute de pouvoir parler de l’indicible horreur et faute d’être écoutés. Mais les déportés résistants sont cependant célébrés, à la différence des non résistants, comme les déportés juifs.

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Juifs français résidant à Vitry-le-François dans la Marne, la famille Baumann pose, confiante, sous le portrait du maréchal Pétain.
Les parents seront pourtant déportés à Auschwitz en novembre 1943.

 

 

  Une mémoire sur la défensive: celle de la droite et des collaborateurs.

* Au lendemain de la guerre, àl’exception des fidèles gaullistes, la droite est déconsidérée, car elle a collaboré avec l’occupant et soutenu Vichy. Elle est pratiquement absente du jeu politique jusqu’à la fin 1947 et se fait oublier.

* Avec la guerre froide et la poussée anticommuniste, elle trouve l’occasion de relever la tête, en développant sa « vision » des faits :

      - Pétain aurait résisté tant qu’il pouvait aux pressions nazies et aurait assuré aux Français une occupation moins dure ; au contraire, la Résistance, noyautée par les communistes, aurait plongé la France dans la guerre civile.  Ainsi, dans son Histoire de Vichy, livre qui a fait longtemps autorité, Robert Aron développe la thèse selon laquelle de Gaulle était « l’épée » de la France et Pétain en aurait été le « bouclier ». Le maréchal meurt sur l’île d’Yeu en 1951. Ses fidèles entendent réhabiliter sa mémoire et souhaitent obtenir le transfert de sa dépouille à Verdun.

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- Au sein de l’extrême droite française, morte plitiquement en 1945, la mémoire est sans cesse révisée. La réalité historique est malmenée, falsifiée ou niée. Des négationnistes remettent même en cause l’existence de la Shoah, qui serait une invention machiavélique forgée par le complot judéo-maçonnique. Pierre Vidal-Naquet consacre un livre essentiel à ce phénomène particulièrement et aux « assassins de la mémoires ».

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Pétain à saint-Chamond, en compagnie d’Antoine Pinay.

 

- la « troisième force » s’appuie sur la droite modérée pour constituer des majorités. Dès 1952, Antoine Pinay, conservateur et ancien vichyste, devient Président du Conseil.  Son parti politique, le Centre national des indépendants et paysans, oeuvre pour l’oubli des « années noires ». Cette accession de Pinay à la présidence du conseil ouvre la réhabilitation des réprouvés de l’épuration.  

   - dans ce climat, la droite (gaullistes et MRP) sont partisans de l’amnistie, c’est-à-dire l’oubli juridique de la période. Bidault, membre du Mouvement Républicain Populaire et ancien président du Conseil de la Résistance affirme qu’il « faut oublier tout ce qui peut être oublié ». Elle vote, contre la gauche, les lois d’amnistie de 1951 et 1953, fort clémentes.

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    Ces années 1950 sont bien celles du refoulement. Même si, parfois, certains événements viennent réveiller la mémoire collective (procès des bourreaux d’Oradour sur Glane à Bordeaux en 1953, parmi lesquels 14 « malgré-nous », condamnés mais vite amnistiés), s’installe le « syndrome de Vichy ». Cette expression est le titre de l’ouvrage pionnier d’Henry Rousso ( paru au Seuil en 1997). Pour l’auteur, le syndrome se décompose en quatre grandes étapes: le deuil inachevé dans l’immédiat après-guerre (de 1944 à 1954), refoulements et rejeux (de 1954 à 1971), le miroir brisé (de 1971 à 1974) et l’obsession (depuis le milieu des années 1970).

 

Sources principales:

- Françoise Armand et Fabrice Barthélémy: « Le londe contemporain. L’histoire en terminale », Le Seuil, 2004.

- Divers manuels de terminale.

 

Liens:

* Sur le site de l’APHG de Caen. 

- « Histoire et mémoires de Vichy et de la Résistance« , conférence de Pierre Laborie, EHESS.

- « Histoire et mémoires de la Seconde guerre mondiale en France. Pistes de travail ».

- « La France et l’attitude des Français  sous l’occupation« .

* Un compte rendu de l’ouvrage clef d’Henry Rousso: le « syndrome de Vichy ».

 

Conseils de lecture:

- Pierre Vidal-Naquet: « Les assassins de la mémoire: un Eichmann de papier et autres essais sur le révisionnisme », Le Seuil, 1995.

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Mémoire de la Seconde guerre mondiale: la mémoire communiste.

Posté par bricabraque le 26 février 2008

Mémoire de la Seconde guerre mondiale: la mémoire communiste. dans Mémoires de la Seconde guerre mondiale. gm

Affiche à la gloire de la résistance communiste.

 

  La mémoire communiste :

 * Le « parti des 75 000 fusillés » connaît  alors son heure de gloire :      

- est alors oubliée la période 1939-41 pendant laquelle le PC a eu un rôle plus qu’ambigu (soutien au pacte germano-soviétique ; demande de reparution de L’Humanité dans un Paris aux mains des Allemands ; témoignages à charge contre Blum au procès de Riom; désertion de Thorez en 1940).        

 - par la part active qu’il a prise à la Résistance intérieure contre Vichy et à la lutte clandestine sur le territoire français ( avec le Front national, puis les FTP) , il peut célébrer son action, se présenter comme un parti martyr, celui des « 75 000 fusillés » (en fait, 30 000 Français fusillés et 20 000 Résistants tombés au combat). 

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Affiche du Parti Communiste Français pour les élections régionales d’octobre 1945

 

* Il exalte la résistance des « sans grade », de la classe ouvrière, des « petits » et les oppose aux élites qui ont trahi et collaboré. Ils s’approprient eux aussi Jean Moulin, homme de gauche, « premier président du CNR, dont le programme comportait la nationalisation des banques et des trusts »

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Le jeunes Guy Moquet, militant communiste fusillé avec 27 camarades, tous otages dans le camp de Châteaubriant, en réprésailles après la mort d’un nazi dans Paris.

 

La distinction de Guy Moquet parmi ces 27 otages s’explique  par son jeune âge et parce que son père était un député communiste de Paris. Le parti communiste fait rapidement du jeune Moquet l’incarnation de la résistance communiste (même si de nombreux historiens contestent ce qualificatif de résistant).

Tout juste élu, Nicolas Sarkozy récupère le personnage, en faisant un exemple à suivre pour les enfants d’aujourd’hui: « Un jeune homme de dix-sept ans qui donne sa vie à la France, c’est un exemple non pas du passé mais pour l’avenir [...] ». Par ce choix, le président continue à privilégier l’émotion à la réflexion et la décontextualisation qu’il opère de l’exécution de Moquet pose problème.

Le débat provoqué par l’oukase présidentiel qui demande de la lire la lettre de Guy Moquet dans les lycées souligne à quel point ces enjeux mémoriels deviennent obsédants dans la France contemporaine.

 

Sources:

- Françoise Armand et Fabrice Barthélémy: « Le monde contemporain. L’histoire en terminale », Le Seuil, 2004.

- Divers manuels de Terminale.

 

Liens:

- « Guy Môquet, et après ? Effacement de l’histoire et culte mémoriel« , par le CVUH.

- Nouvelle rentrée, nouvelle école?  par Hugo Billard.

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Mémoire de la seconde guerre mondiale: la mémoire gaulliste s’impose :

Posté par bricabraque le 25 février 2008

 

-a) Le « résistencialisme » (1945-47) : 

Le résistancialisme qualifie la conception gaullienne des événements, consistant à inclure l’ensemble des Fançais dans la geste héroïque de la Résistance française.

* A la Libération, l’heure est à l’union et à la réconciliation nationales. La nation s’identifie à la Résistance, par la double volonté des gaullistes et des communistes, alliés de circonstance, d’accord pour représenter la légitimité nationale grâce à leur place prépondérante dans le combat clandestin. 

Dans son discours de l’Hôtel de ville de Paris, le 25 août 1944, de Gaulle minimise considérablement le rôle de « nos chers et admirables alliés ». Lyrique, le général évoque Paris « libérée par elle-même et par son peuple ».

 http://www.dailymotion.com/video/x1clfx

* La « parenthèse de Vichy » : pour de Gaulle, « Vichy est nul et non avenu » et est une  « autorité de fait ». Le pays n’a jamais cessé d’être une République, continuée dans la France libre à refus d’une responsabilité officielle de la République française dans la mise en œuvre de la collaboration et de ses conséquences. 

* Mythe d’une France massivement résistante en dehors de quelques « salauds » : il faut que le pays reparte de l’avant, sans trop s’entre-déchirer. Sont donc occultées et minimisées la large adhésion des Français à Pétain de 1940 à 1942, l’horreur du génocide contre les Juifs et les responsabilités de l’Etat français.

  * Après mai 1947, la guerre froide change la donne : les communistes sont rejetés dans l’opposition et la droite gaulliste les accuse d’être les auteurs de 100 000 exécutions sommaires  à la légende noire de l’ « Epuration sauvage » est née… Les gaullistes dénoncent aussi leur tentative de « coup d’Etat bolchevique » à la Libération.  

    -b) La célébration de la Résistance :

  * La IVe République magnifie les faits de résistance. Mais c’est surtout avec le retour de De Gaulle en 1958 que le phénomène s’organise : Vichy est encore plus oublié au nom de la réconciliation franco-allemande ; la Résistance est exaltée avec ses moments forts, ses lieux et ses héros.  Le mythe résistancialiste forgé dès 1944 reste opératoire jusqu’aux années 1970, il permet de décomplexer les Français, majoritairement attentistes durant la seconde guerre mondiale. Les gaullistes transforment l’épopée de la France libre en une  aventure collective de tous les Français. Le premier tome des Mémoires de guerre du général ( L’Appel, 1940-1942) développe à l’envie cette version des faits.

Durant la période de la « traversée du désert » (1946-1958), de Gaulle parvient à eviter l’accaprement la mémoire de la guerre par les forces de gauche. Il « droitise » cette mémoire en faisant du conflit non pas un engagement antifasciste, mais une guerre avant tout patriotique face à un ennemi héréditaire, l’Allemand.

http://www.dailymotion.com/video/x3d57j

Discours d’André Malraux, ministre de la culture du gouvernement Pompidou, lors de la panthéonisation de Jean Moulin, en décembre 1964.

* Le point d’orgue en est la « panthéonisation » de Jean Moulin (décembre 1964) : transfert des cendres, discours de Malraux qui fait de Moulin un martyr et un héros national. Comme Moulin était l’envoyé du général, cela permet d’exalter le rôle unificateur de ce dernier. Il devient la figure symbolique de la Résistance (supplantant alors des figures moins consensuelles: le communiste Jean-Pierre Timbaud, le socialiste Pierre Brossolette ou Honoré d’Estienne d’Orves à droite). Son discours aboutit au syllogisme suivant:  »la Résistance, c’est de Gaulle ; de Gaulle, c’est la France ; donc, la Résistance, c’est la France ».

 * La même année,  la création du « Concours national de la Résistance et de la déportation » a pour mission de transmettre la mémoire de la guerre dans les écoles et les collèges. 

Mémoire de la seconde guerre mondiale: la mémoire gaulliste s’impose :  dans Mémoires de la Seconde guerre mondiale.  Le mémorial du mont Valérien, à l’ouest de Paris.  * Lieux de mémoire et de célébration :  

    - le mont Valérien, fort militaire de l’Ouest parisien où ont été fusillés 4500 résistants  

   - le village martyr d’Oradour-sur-Glane, conservé en l’état   

   - les lieux de maquis démantelés par les nazis et la Milice : le Vercors, les Glières, le Mont Mouchet        - plaques commémorant les lieux où sont tombés des résistants.   dans Mémoires de la Seconde guerre mondiale.Les ruines du village d’Oradour sur Glane aujourd’hui (un nouveau village fut construit à proximité et depuis quelques années un centre de la mémoire permet d’accéder au village martyr).

 * Le cinéma construit une représentation collective de la France résistante (de La Bataille du rail, de René Clément, 1946, à L’Armée des ombres, de Melville, en 1969, qui propose une réflexion sur l’engagement résistant). [Mais en 1956, la commission de censure impose à Alain Resnais de modifier l’image d’un policier français devant le camp de Pithiviers dans son oeuvre Nuit et brouillard]. 

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Photographie de 1941 d’un gendarme français gardant le camp de rassemblement des futurs déportés de Pithiviers, utilisée par Alain Resnais dans son film Nuit et Brouillard. Le cinéaste dut accepter de barrer le képi du gendarme pour que la commission de censure laisse diffuser le film en salle. Ce n’est qu’en 1997 que de nouvelles copies du film laissent apparaître le képi du gendarme.

http://www.dailymotion.com/video/x25jja

Extrait de la bataille du rail, film à la gloire de la résistance ferroviaire. 

Sources:

- Françoise Armand et Fabrice Barthélémy: « Le monde contemporain. L’histoire en terminale », Le Seuil, 2004. - Divers manuels de Terminale.

 Liens: 

 - le site du centre de la mémoire d’Oradour sur Glane. - Un dossier copieux et très bien fait autour dES MEMOIRES FRANCAISE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE sur le site de l’académie de Clermont.  Conseils de lecture:

- Sarah Farmer: « Oradour sur Glane. Arrêt sur mémoire », Perrin, collection Tempus, 2007. Une étude américaine précise sur le massacre, qui s’intéresse partiulièrement aux enjeux de la mémoire autour d’un tel événement.

- Henry Rousso: »le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours », Seuil, 1990.

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L’épuration (de juin à l’automne 1944).

Posté par bricabraque le 24 février 2008

L'épuration (de juin à l'automne 1944). dans Mémoires de la Seconde guerre mondiale. mire_pendaison 

L’épuration sauvage frappe la France durant tout l’été 1944. Les lynchages et exécutions sommaires seront fréquents.

Avec l’avénement du régime de Vichy, Pétain offre une revanche aux héritiers des ligues d’extrême droite des années 1930. Dans le contexte de l’humiliation de juin 1940, il instaure un régime antirépublicain qui se maintient au pouvoir jusqu’au débarquement allié. Durant ces 4 années, il mène une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie. Or, en quelques jours, ce régime est balayé. Le personnel vychiste et ses soutiens actifs se fuient ou se cachent, tandis que ceux considérés la veille encore comme des terroristes (les gaullistes et les résistants de l’intérieur) reprennent les rênes du pouvoir avec pour mission première de restaurer l’ordre républicain dans le pays.

  -a) L’Epuration sauvage :

 Les rancoeurs et les haines accumulées au cours de ces 4 années ressurgissent avec vigueur une fois le pays libéré. L’épuration qui se met en place à partir de juin 1944 vise à châtier les traîtres et bannir les collaborateurs des postes à responsabilité. Or, entre juin 1944 et la libération de Paris, fin août, aucune autorité véritable ne peut s’imposer dans l’hexagone. Le GPRF ne reprendra vraiment la main qu’en septembre. Entre temps, la colère et la vengeance se donnent libre cours et éclatent à l’encontre des miliciens, membres de la Légion, du Parti Populaire Français, indicateurs de la Gestapo…

 L’importance des exécutions sommaires varie considérablement d’une région à l’autre. Mais, d’une manière générale, les zones particulièrement touchées par ces violences spontanées correspondent aux grands maquis où le harcèlement des résistants par les troupes collaborationniste fut particulièrement soutenu. Des jugements sont prononcés par des tribunaux populaires et de cours martiales organisés par les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).

 

Les dérapages sont légions et cette épuration sauvage sert souvent d’alibi à des règlements de compte personnels. Des femmes sont tondues pour « collaboration horizontale » avec l’occupant, des maisons sont taggés de croix gammées. Ces débordements sont souvent le fait de « résistants de la veille », soucieux de faire preuve d’un zèle qu’on ne leurs connaissait pas face à l’occupant quelques jours auparavant.

Cette épuration sauvage entraîne l’exécution d’environ 9 000 personnes.

 -b) L’Epuration judiciaire : 

Le GPRF entend donc substituer rapidement une épuration légale à l’épuration sauvage de l’été. Dès septembre, des tribunaux d’exception sont mis en place, les chambres civiques et la Haute cour composées de jurés issus de la résistance (ce qui pose problème en terme de partialité). Ils jugent et condamnent pour « intelligence avec l’ennemi » ou « actes nuisibles à la défense nationale ». Ces cours de justice doivent traiter 320 000 cas.

Les ¾ des verdicts condamnent à des peines d’emprisonnement ou de dégradation nationale. Le dernier quart est constitué de condamnations à mort, près de 7000 prononcés, mais en raison des très nombreuses condamnations par contumace et des grâces présidentielles, les exécutions effectives s’élèvent à 737. Parmi ceux-ci, la Haute Cour de justice condamne les hauts dignitaires de Vichy: 18 exécutions (dont Laval, Darnand); Pétain gracié par de Gaulle, finit sa vie en exil sur l’île d’Yeu. Huit condamnations aux travaux forcés à perpétuité sont prononcées.

c) Une Epuration contestable : 

L’épuration en France s’avère beaucoup plus clémente que celle pratiquée dans les pays voisins (Belgique, Pays Bas). Les forces indispensables à la reconstruction du pays sont épargnées: haute administration (Papon, Bousquet), militaires, milieux économiques surtout (alors que le patronat a collaboré à 80%), intellectuels (malgré le cas Brasillach). L’épuration frappe donc de manière très variable et certains thuriféraires du régime de Vichy méneront une belle carrière après 1945. Au bout du compte, les « sans grade » sont bien plus durement frappés (paysans, ouvriers).

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Pétain lors de son procès.

L’épuration laisse une impression de malaise: certains procès sont menés dans une ambiance passionnée et délétère comme celui de Laval (certes le personnage est détestable, mais tout individu, même le plus méprisable à droit à un procès équitable), les personnes frappées le plus durement ne sont souvent que des lampistes, alors que beaucoup de donneurs d’ordres passent entre les mailles du filet. Ce malaise explique en partie le fait que pendant longtemps l’épuration soit gommée de la mémoire collective.

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Laval lors de son procès.

En 1951 et 1953, les lois d’amnistie vident les prisons. C’est un des exemples de l’oubli et du refoulement de cette période tragique dans les consciences.

 Sources:

- Françoise Armand et Fabrice Barthélémy: « Le monde contemporain. L’histoire en terminale », Le Seuil, 2004.

- Joseph Kessel: « Jugements derniers: les procès Pétain, Nuremberg et Eichman. », Tallandier, collection Texto, 2007.

- Divers manuels de Terminale.

Conseils de lecture:

- Fabrice Virgili: »La France virile », Payot. Un livre captivant sur la tonte des femmes à la Libération.

-  Joseph Kessel: »Jugements derniers », Tallandier, collection Texto, 2007.  Les talents d’écriture de Kessel nous plonge ici dans l’atmosphère de ces trois procès.

- François Dufay« Le soufre et le moisi. La droite littéraire après 1945 : Chardonne, Morand et les hussards. »,  Perrin, 2006.

Lien utile:

- 17 novembre 1945: Pétain à l’île d’Yeu sur l’excellent blog de Vincent Pauthier.

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Les procès français contre les criminels de guerre.

Posté par bricabraque le 21 décembre 2007

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La cour d’assises de la Gironde juge Maurice Papon, dernier Français accusé de crimes contre l’humanité sous Vichy. L’ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde a apporté son « concours actif » à l’arrestation et à la déportation de plus de 1500 juifs.Caricature de Plantu

La notion de crime contre l’humanité apparaît dans les statuts fondant le tribunal de Nuremberg en 1945. Elle ne vise alors que les puissances de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon). Or, une loi française de 1964 déclare imprescriptibles les crimes contre l’humanité et permet l’organisation de plusieurs procès retentissants dans l’hexagone, qui visent les criminels de guerre nazis ou leurs complices zélés (les crimes de guerre sont prescrits au bout de trente ans dans le droit français).

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A l’occasion du cinquante-troisième anniversaire de la rafle du Vél’ d’Hiv’, Jacques Chirac reconnaît « les fautes commises par l’Etat » dans la déportation des juifs de France durant la seconde guerre mondiale.

Ces procès sont portés de bout en bout par les associations de victimes (l’association des fils et filles de déportés de Serge Klarsfeld notamment), relayées par la presse d’investigation. Pendant très longtemps, les responsables politiques et la justice traînent des pieds. Jusqu’au discours du Vel’ d’Hiv’ prononcé par Jacques Chirac en 1995, qui reconnaît pour la première fois la responsabilité de l’Etat à travers le gouvernement de Vichy, les plus hautes autorités de l’Etat considèrent que Vichy rompt avec la tradition républicaine et, qu’à ce titre, l’Etat français ne peut être tenu pour responsable.

En 1962, de Gaulle gracie certains responsables de la police ayant participé aux déportations. Pompidou en appelle à la « réconciliation nationale » après avoir gracié Paul Touvier (1971). Mitterrand se montre très réticent à l’idée de faire un procès Papon.

Pour Denis Salas, magistrat et co-auteur de « Barbie, Touvier, Papon, des procès pour la mémoire » (éditions Autrement), « ces trois procès (…) participent d’une gradation dans la relecture de ce passé tragique. Cette stratégie de jugement est pensée par l’Association des fils et filles de déportés, de Serge Klarsfeld qui voulait d’abord faire le procès de la gestapo, avec la mise en accusation de Barbie, puis celui de la milice avec Touvier, enfin celui de l’administration avec Papon. »

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« La France de Vichy » de Paxton. 

Ces procès soulignent la différence de pont de vue du juriste et de l’historien. En effet, la notion de crime contre l’humanité est conçue à l’encontre des puissances de l’Axe, aussi Touvier et Papon seront « seulement » impliqués de complicité de crime contre l’humanité. Or, pour les historiens, depuis la « La France de Vichy » de Paxton, la responsabilité directe de l’Etat français dans la déportation ne fait plus aucun doute. Cette simple « complicité » explique donc le refus de quelques historiens de venir témoigner à ces procès (Henry Rousso par exemple). Pour le droit français, le complice est assimilé à l’auteur, ce qui aplanit les difficultés. Ces procès ont une portée pédagogique puisqu’ils sont filmés, ce qui permet  de constituer des archives précieuses pour les générations à venir.

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Barbie lors de son procès à Lyon en 1987. 

Klaus Barbie, capitaine SS et chef de la gestapo de Lyon arrête et torture Jean Moulin, en 1943, qui meurt des suites de ses blessures. En 1944, il organise l’arrestation et la déportation des 44 enfants d’Izieu vers Auschwitz (2 seulement survivent).

Récupéré après la guerre par les services spéciaux américains, Barbie se réfugie en Bolivie à partir de 1951 où il participe activement à la lutte contre la guérilla communiste.

A partir de 1972, Beate Klarsfeld établit la relation entre Klaus Altmann [nom de l’ancien rabbin de la petite ville de son enfance !] et Klaus Barbie. Il est extradé en 1983 et son procès s’ouvre à Lyon en 1987, le sulfureux Jacques Vergès assurant sa défense. Il est condamné à perpétuité pour crime contre l’humanité et meurt en prison en 1991.

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Paul Touvier pendant son procès. 

Issu d’une famille savoyarde très catholique, Paul Touvier adhère à la milice en 1943 et devient chef régional de cette dernière à Lyon, un an plus tard. Il fait assassiner 7 otages juifs de Rillieux-la-Pape le 29 juin 1944, pour venger l’assassinat la veille du collaborationniste Philippe Henriot.

Condamné à mort par contumace à deux reprises après guerre, il bénéficie de soutiens actifs dans les milieux catholiques intégristes qui l’hébergent en toute discrétion dans  des couvents. Après une interminable procédure judiciaire, il est jugé en 1994 pour complicité de crime contre l’humanité et écope de la réclusion criminelle à perpétuité.

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Maurice Papon lors de son procès à Bordeaux. 

Haut fonctionnaire depuis le milieu des années 1930, Maurice Papon devient secrétaire général de la préfecture de Gironde en 1942 et le reste jusqu’à la Libération. Sous la IVème et la Vème République, Papon poursuit une brillante carrière : préfet de police de Paris entre 1958 et 1962 (il organise les répressions des manifestations du 17 octobre 1961 et celle anti-OAS de Charonne le 8 février 1962) ; ministre du budget de 1978 à  1981.

Les premières plaintes de victimes sont déposées au début des années 1980, mais la procédure s’avère chaotique et ce n’est qu’en avril 1998 qu’il est condamné à 10 ans de prison pour complicité de crime contre l’humanité  (il a ordonné quatre rafles de juifs). En septembre 2002, sa peine est suspendue pour raison de santé. Il meurt en février 2007.

Enfin, Aloïs Brunner est né en 1912 dans une famille nationaliste, très antisémite, dans la partie hongroise de l’Empire autrichien. En 1931, il est admis dans la milice nazie des SA, avant de rejoindre la légion autrichienne où il rencontre Eichmann, puis la SS en 1939. A Vienne, Berlin, Salonique, Drancy, il aurait fait déporter plus de 140 000 juifs.

Il est jugé et condamné à la prison à perpétuité, le 2mars 2001, à Paris. En fuite, se cachant sans doute en Syrie (si il n’est pas déjà mort), il est donc jugé « par contumace ».

Sources:

- dossier du Monde de l’Education consacré au documentaire  »Mon meilleur ennemi ».

- Le très bon site de M. Natanson consacré à la Shoah et sa mémoire.

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La traque des nazis.

Posté par bricabraque le 20 décembre 2007

La traque des nazis. dans actualité 

Manifestation demandant l’extradition de Klaus Barbie, réfugié en Bolivie.

Au lendemain de la guerre, un sentiment de vengeance prédomine dans les pays libérés, qui conduit à la tenue rapide de procès condamnant les hauts responsables nazis (procès de Nuremberg) et japonais (procès de Tokyo).

Assez vite, le contexte de guerre froide aidant, la volonté de tourner la page des années sombres l’emporte. Les mauvais souvenirs sont refoulés, les poursuites judiciaires cessent et de nombreux anciens nazis parviennent à se recycler dans
la RFA en reconstruction ou à s’éloigner discrètement vers des refuges sûrs (l’Amérique latine, le Moyen Orient) pour les plus compromis.

La mémoire du génocide entre alors aussi en sommeil et les spécificités de
la Shoah mal perçues. Seules quelques personnalités exceptionnelles font du devoir de mémoire à l’égard des victimes une priorité et considèrent la punition des criminels de guerre une priorité absolue, voire une raison de vivre.

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Simon Wiesenthal (Le Monde du 22 septembre 2005).

Simon Wiesenthal survit à 12 camps de concentration ou d’extermination. A partir de la libération du camp de Mauthausen, où il était interné, par les Américains en mai 1945, il n’eut de cesse de rechercher les criminels de guerre nazis, ce qui lui vaut le surnom de « chasseur de nazis ». Un sous-officier d’un camp où Wiesenthal fut interné, lui demande un jour ce qu’il dirait des camps de concentration s’il arrivait jamais à New York. Il répond qu’il raconterait la vérité. Or, l’Allemand lui rétorque : « on ne te croira pas, on dira que tu es fou. »

Son travail consiste en fait à établir des dossiers sur tous les responsables de crimes de masse (réunissant documentation, témoignages, preuves). Une fois le criminel débusqué, il transmet le dossier à la justice des pays concernés parles exactions de ces individus. Travail colossal qu’il mène avec trente volontaires, dans le centre d’information et de documentation sur les criminels nazis (centre Wiesenthal aujourd’hui), qu’il fonde à Vienne.

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Franz Stangl, commandant du camp d’extermination de Treblinka.

 

Sur les 90 000 fiches de bourreaux nazis qu’il établit, il réussit à en faire comparaître en justice près de 1000, dont :

- Franz Stangl, commandant du camp de Treblinka (en 1967) ;

- Karl Silberbauer (en 1963), le policier autrichien qui avait arrêté aux Pays-Bas la jeune Anne Franck ;

- Franz Novak, chargé de transférer les juifs à Auschwitz, un adjoint d’Eichmann ;

- Simon Wiesenthal contribue, avec d’autres, à l’arrestation de ce dernier. Dès 1954, il apprend qu’Eichmann vit en Argentine sous le nom de Ricardo Klement.

Poursuivis tous quatre pour crime ou complicité de crime contre l’humanité.

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Eichmann lors de son procès en Israël en 1962.

Wiesenthal meurt le 20 septembre 2005, à 96ans, serein. Il affirmait encore, peu avant : « les meurtriers de masse que j’ai cherchés, je les ai trouvés. Je leur ai tous survécu. S’il y en avait que je n’ai pas cherchés, ils sont aujourd’hui trop vieux pour être poursuivis ».

Le Mossad enlève Adolf Eichmann à Buenos Aires en 1960, avant d’être jugé et pendu en Israël en 1962. Ce procès suscite une curiosité partout dans le monde et constitue un électrochoc qui active la mémoire juive, en sommeil depuis 1945.

Il n’en reste pas moins que dans les années 1960, la réhabilitation d’anciens nazis se généralise en Allemagne de l’ouest. L’accession au poste de chancelier de Kurt George Kiesinger, ancien responsable de la propagande radiophonique du Reich, couronne ce processus. Tout comme la popularité dont jouit Albert Speer après sa sortie de prison en 1966, véritable « musée vivant du nazisme ». Processus inévitable aux yeux des Klarsfeld.

Ce couple se lance, après Wiesenthal dans une double tâche herculéenne : traduire en justice les criminels nazis et leurs complices et aussi restituer l’identité des déportés juifs de France, grâce à des recherches documentaires infinies [« Le mémorial de la déportation des juifs de France, le livre référence de Serge Klarsfeld, insuffle une nouvelle vie aux 76 000 déportés des juifs de France].

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Serge et  Beate  Klarsfeld

Alors qu’il n’a que huit ans, le père de Serge est arrêté par la gestapo, après avoir eu le temps de cacher sa famille dans une contre cloison. Il ne reviendra pas des camps. Durant toute sa jeunesse, Serge garde ce traumatisme pour lui. La rencontre avec Beate en 1960, sert de révélation. Cette Allemande, dont les parents n’étaient ni résistants ni hitlériens, épouse la nouvelle cause de Serge. Dès lors, ils font le tour du monde pour traquer les criminels, les dénoncer, militer. Ils créent l’Association des fils et filles des déportés juifs de France pour soutenir leurs actions.

Ils comprennent vite que le scandale constitue un bon moyen de pression. En 1968, Beate hurle « Kiesinger, nazi ! » en plein Bundestag, avant de le gifler quelques mois plus tard lors d’un congrès. Willie Brandt l’emporte aux élections suivantes.

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Kurt George Kiesinger réconforté après avoir reçu une gifle de Beate Klarsfeld, lors d’une réunion en novembre 1968.

Ils parviennent à faire modifier les procédures d’extradition des criminels de guerre nazis ce qui permet la tenue du procès de Cologne en 1979, qui aboutit à la condamnation de Lischka, Hagen et Heinrichsohn, trois hauts responsables de la déportation juive en France.

Enfin, après le procès de Cologne, ils jouent un rôle essentiel dans ceux de Klaus Barbie (que Beate est parvenue à localiser en Bolivie dès 1971), Paul Touvier, Maurice Papon et Aloïs Brunner (voir article suivant).

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Aribert Heim, dernier criminel nazi en fuite ou fantôme?

Aujourd’hui, la chasse des nazis n’est pas totalement terminée. Le centre Simon Wiesenthal de Jérusalem, dirigé par Ephraïm Zuroff, mène l’opération « Dernière chance », qui vise à traduire en justice les criminels nazis encore en vie. Elle débute en Europe de l’est (dans les pays baltes notamment) en 2002, avant d’être étendue actuellement à l’Amérique latine où le « boucher de Mauthausen », Aribert Heim, serait toujours caché. Ses moyens : des communiqués de presse, la mise en place d’un numéro vert, le versement d’une prime de 10 000 euros pour toute information sérieuse permettant l’inculpation d’un suspect. Cette opération aurait permis de retrouver la trace de plusieurs centaines de suspects.

D’anciens pays très accueillant pour les nazis en fuite, comme l’Argentine, tentent à leur tour d’identifier les derniers coupables grâce à
la Commission pour l’éclaircissement des activités des nazis en Argentine (CEANA), créée à la fin des années 1990.

Au bout du compte, il semble intéressant de souligner que cette traque reste le fait de personnalités exceptionnelles, longtemps isolées, mais pas (ou exceptionnellement) d’organisations internationales ou d’Etats concernés par les exactions des criminels de guerre.

NB: une judicieuse remarque de Lyonel Kaufman, auteur d’un remarquable site, ajouté récemment en lien, me pousse à indiquer mes sources pour les images utilisées dans les articles. Il suffit désormais de cliquer sur la légende sous les documents afin d’être renvoyé vers les sites utilisés.

Sources: Le Monde du 22 septembre 2005.

Le dossier pédagogique du CNDP sur le documentaire de France 2 « la traque des nazis (cf. liens).

La chasse aux nazis est-elle terminée?, ça m’intéresse n°290, avril 2005.

Liens utiles :

- « La traque des nazis », un très bon documentaire diffusé sur France 2.

- un entretien avec Serge et Beate Klarsfeld autour de ce documentaire.

- Dossier pédagogique mis au point par le CNDP et France 2 du documentaire.

- Une édition spéciale du Monde consacré à
la Shoah, avec notamment une interview fleuve de Serge Klarsfeld, puis
 son portrait .

- Le site du Centre Simon Wiesenthal pour l’Europe.

- « La recherche des coupables » sur le site du Mémorial de la Shoah.

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Les anciens nazis en fuite.

Posté par bricabraque le 17 décembre 2007


Les anciens nazis fuient l’Europe afin de gagner des lieux sûrs, où ils savent qu’ils ne seront pas inquiétés. La plupart s’embarquent pour le nouveau monde, notamment l’Amérique latine, où les régimes conservateurs en place n’hésitent pas à utiliser le « savoir-faire » de ces hommes dans leur chasse aux opposants.

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Le couple Peron, fit de l’Argentine un terre d’accueil sûre pour les nazis en fuite.

Juan Peron, le leader populiste argentin, fervent admirateur des fascismes européens, encourage, via ses diplomates et officiers de renseignement, les criminels de guerre nazis et fascistes à s’installer en Argentine. Dans de nombreuses missives, Monseigneur Hudal réclame à Peron des visas d’entrée pour d’anciens « soldats » allemands et autrichiens.  Grâce aux passeports fournis par la Croix Rouge Internationale de Gênes et par l’ambassade d’Argentine à Vienne, 60 000 à 80 000 Allemands, Autrichiens, Croates, Lettons trouvent refuge en Argentine dans les dix années qui suivent la Seconde Guerre Mondiale ; dont Eichmann, Mengele, Erich Priebke, assassin des fosses Adréatines, Klaus Barbie, Ante Pavelic, le führer croate, Eduard Roschmann, le « boucher de Riga », Erich Müller, proche collaborateur de Goebbels…

Les anciens nazis en fuite. dans Amérique latine / centrale foto1

San Carlos de Bariloche.

Beaucoup s’installent dans la province des Misiones à la frontière avec le Paraguay et le Brésil ou au pied des Andes, dans la petite ville de San Carlos de Bariloche, véritable colonie allemande en terre argentine. 

La Bolivie, le Chili deviennent rapidement d’autres terres d’accueil pour les anciens criminels de guerre. Barbie, jusqu’à son extradition vers la France en 1983, passe trente deux ans à La Paz, où il noue des relations cordiales avec l’importante colonie allemande locale. Les dictateurs d’extrême droite qui s’imposent dans le Cône sud dans les années 1960 et 1970 utilisent l’expérience de ces anciens tortionnaires. Barbie participe ainsi au coup d’Etat de Barrientos en 1964, puis à celui de Banzer en 1971.

colonia dans approfondirLa communauté Dignidad au Chili.

Spécialistes de la traque et du renseignement, ils se révèlent fort utiles pour traquer les opposants communistes ou autres. Ancien SS, Paul Schaefer fonde en 1966 la communauté Dignidad, sur le versant chilien des Andes, à 350 km au sud de Santiago. Jusqu’à son démantèlement, la colonie abritait près de 300 individus sur 1500 ha. De nombreux fuyards recherchés se seraient cachés dans ses murs et elle aurait servi de centre d’entraînement pour les militaires chiliens et la DINA. Schaefer, gourou de ce qu’il faut appelé une secte, est condamné par contumace pour pédophilie, est arrêté à Buenos Aires en 2005.

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Mengele en  1971.

Sur place, certains tentent de se faire oublier, cachés derrière des pseudos discrets. Ricardo Klement, alias Eichmann, monte une blanchisserie, puis un élevage de lapin, avant de travailler dans une succursale de Daimler Benz. D’autres passent des jours tranquilles et se cachent à peine. D’après Serge Klarsfeld, Mengele était dans l’annuaire ! Il meurt d’ailleurs de noyade au Brésil, après des séjours en Argentine et au Paraguay, sans être jamais inquiété par la justice. 

L’Amérique Latine n’est pas le seul refuge pour les anciens nazis recherchés.

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Aloïs Brunner en 1943 et en 1985.

-         Le Moyen Orient servit aussi de lieu d’accueil. Aloïs Bruner, ancien secrétaire d’Eichmann et responsable du camp de Drancy, condamné par contumace à perpétuité pour crime contre l’humanité, vécut (et vit peut-être encore) en Syrie. 

-         L’Espagne franquiste accueillit le commissaire aux questions juives du gouvernement de Vichy, Louis Darquier de Pellepoix

-         Enfin d’anciens nazis ou complices parviennent à se cacher ou à se recycler dans leurs pays « d’exercice ». Paul Touvier, chef de la milice de Lyon, condamné à mort par contumace en 1945 et 1947, réussit à échapper à la justice jusqu’en 1989, profitant d’un soutien dans les milieux catholiques intégristes qui lui ouvrent leurs couvents. Que dire enfin des anciens nazis parfaitement réintégrés, à l’instar de Kurt Georg Kiesinger, chancelier de RFA de 1966 à 1969?

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Eichmann, lors de son procès à Jérusalem en 1962.

Il faut la ténacité de « chasseurs de nazis », isolés et longtemps incompris, comme Simon Wiesenthal ou Beate et Serge Klarsfeld, pour mener à bien le devoir de justice. Avec l’arrestation d’Eichmann en 1960 et le procès retentissant qui se tient deux ans plus tard à Jérusalem, plus aucun nazi en cavale ne pourra plus dormir sur ces deux oreilles.

Liens utiles:

- la bande annonce de « Mon meilleur ennemi« , consacré au cas Barbie, le dossier pédagogique réalisé par Francis Larran et un supplément du Monde de l’éducation autour du documentaire.

A suivre. 

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Quand les nazis fuyaient l’Europe.

Posté par bricabraque le 16 décembre 2007

Quand les nazis fuyaient l'Europe.  dans approfondir passeport-eichmann 

Le passeport utilisé par Eichmann pour fuir l’Europe.

 

Au lendemain de la guerre, un désir de vengeance pousse les Alliés à mener une dénazification rigoureuse  de l’Allemagne. Ainsi, le procès de Nuremberg  (article du blog de M. Tribouilloy) condamne de très hauts responsables nazis.

Mais rapidement, la paix retrouvée incite à tourner la page des années de souffrance et donc oublier les années noires. Le processus de dénazification s’enraye  ainsi rapidement. Le contexte de la guerre froide naissante accuse encore ce phénomène.

Lors d’un déplacement à Stuttgart, le secrétaire d’Etat Byrnes affirme que la période répressive de la dénazification doit s’achever.

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Les hauts dignitaires nazis lors du procès de Nuremberg.

Pour contrer les Soviétiques, Truman entend, dès 1946, renforcer les services secrets américains.

Or, les Américains partent de zéro et leur connaissance de l’Armée rouge, du NKVD (l’ancêtre du KGB), restent très lacunaires. Les nazis, au contraire, espionnent les Soviétiques depuis une dizaine d’années et possèdent les informations et informateurs qui font cruellement défauts aux services de renseignement américain.

C’est la raison pour laquelle les services secrets américains en gestation (la National Intelligence Authority et le Central Intelligence Group) enrôlent d’anciens (plusieurs dizaines) tortionnaires nazis, spécialisés dans la traque et le renseignement et possédant des connaissances sur les Soviétiques.

Le général Reinhard Gehlen, qui a dirigé l’Abwehr (le service de renseignement de l’armée allemande) sur le front de l’est, met son organisation au service des EU dès juillet 1945.

Parmi les réseaux constitués par Gelhen se trouvent d’anciens SS et de
la Gestapo, comme :

- Emil Augsburg, ancien capitaine SS, expert du monde communiste, recherché pour crime de guerre en Pologne, qui travaille pour l’US Army de 1947 à 1956, puis pour les services secrets de l’Allemagne de l’ouest (BND) jusqu’en 1966.

- Le major SS Wilhelm Höttl participe à la déportation de 440 000 juifs hongrois vers Auschwitz, il est arrêté par les Américains en 1945. Sa grande connaissance du communisme de l’Europe de l’est lui permet d’être libéré en 1947 et de rejoindre le bureau du CIC de Vienne, avant d’être recruté par
la CIA.

- Klaus Barbie intègre le CIG en 1947…

Les SS (mais aussi de nombreux scientifiques allemands) réellement utiles pour les EU sont introduits clandestinement aux EU sous de fausses identités, en violation des lois sur l’immigration, grâce aux services spéciaux.

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Klaus Barbie, « le boucher de Lyon ».

Beaucoup de nazis échappent aussi à la justice grâce au réseau ratline, « la route des rats », une filière organisée par les anciens nazis pour s’enfuir vers l’Amérique Latine ou le Moyen Orient, en passant par les Alpes et l’Italie. Ils utilisent les trésors de guerre amassés lors du conflit et bénéficient de nombreuses complicités ou négligences :

-Des faux papiers leurs sont fournis par des ecclésiastiques italiens, comme l’évêque catholique Alois Hudal, recteur d’un séminaire pour prêtres autrichiens et allemands à Rome, qui fournissait argent et papiers d’identité délivrés par l’organisation du Vatican pour les réfugiés. Documents utilisés pour obtenir un passeport de personne déplacée dela Croix Rouge Internationale (CRI), avant l’obtention d’un visa. La parole d’un évêque explique sans doute la légèreté des contrôles que le CRI devait effectuer avant de délivrer ces passeports. 23_25Le docteur Mengele.

Un réseau de franciscains croates, dirigé par le père Draganovic depuis le séminaire San Girolamo degli Illirici à Rome, disposant de nombreux liens en Autriche, organise l’exfiltrations de nombreux membres du mouvement fasciste croate oustachi (Ante Palovic) vers le nouveau monde, à partir du port de Gênes. Les services de renseignement américains utilisent cette filière pour exfiltrer d’anciens criminels de guerre. Un rapport déclassifié des services de renseignement américain de 1950 affirme que « Draganovic se chargeait de toutes les phases de l’opération après que les personnes soient arrivées à Rome, tels que la fourniture de documents italiens et sud-américains, visas, timbres, arrangements pour le voyage par terre ou par mer ».

Ainsi, Eichmann, organisateur de
la Solution finale, s’échappe à deux reprises de prison et bénéficie de l’aide d’un organisme clandestin d’anciens nazis qui le fait passer en Italie. Il s’y embarque, à Gênes, pour l’Argentine, grâce à un passeport au nom de Ricardo Klement, fourni par l’entremise d’un franciscain hongrois, E. Dömöter, curé d’une église de Gênes.

Barbie, devenu gênant (recherché activement par
la France ; le recrutement d’anciens criminels de guerre nazis est dénoncé à l’ONU ou au Congrès américain ;  Barbie est peu utile pour les services secrets), les Américains décident de s’en débarrasser. Grâce à un sauf-conduit provisoire au nom de Klaus Altmann délivré par les Américains, Klaus Barbie parvient à quitter l’Allemagne. A Gênes, il  bénéficie de l’aide du père Draganovic et s’embarque pour l’Amérique latine en 1951.

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Fiche d’identité de Mengele.

Josef Mengele, le médecin SS d’Auschwitz, auteurs d’expériences médicales inhumaines sur les prisonniers du camp, Gerhardt Bohne, chargé d’organiser la politique eugéniste du IIIème Reich par Hitler, Ante Pavelitch, criminel de guerre croate, quittent l’Europe grâce à cette même filière.

Liens intéressants:

- Article de Wikipédia sur les réseaux d’exfiltrations nazis.

- « Odessa, le réseau maudit » par Sophie Laverdure, sur le site du mag’44.

- Le document de voyage d’Eichmann délivré par la Croix Rouge, sur Nouvel Obs.com.

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