Sidney Poitier, Harry Belafonte, Heston lors de la marche sur Washington en 1963.
L’absence de représentation des Noirs ou alors de manière tout à fait négative (début XXème jusqu’à la fin des 1940’s).
Cette absence de représentation s’explique assez facilement, compte tenu des lois ségrégationnistes et du racisme ambiant, dans le sud des Etats-Unis notamment. Impossible dans ces conditions de choisir un Noir pour héros. Le code censure interdisait également de représenter à l’écran des relations sexuelles entre personnes de races différentes ou des scènes de violence. C’est la raison pour laquelle les premiers films ne reviennent guère sur les dures conditions d’existence des esclaves (abolition en 1865).
De la même manière, les rôles de Noirs sont joués généralement par des acteurs blancs grimés (absence d’acteurs noirs, poids des préjugés).
Néanmoins, deux grands classiques du cinéma américain évoque l’esclavage, au moins indirectement :
- « Birth of a nation » (1915) de D.W. Griffith, qui s’inspire d’un livre de Thomas Dixon (The Klansman), à la gloire du Ku Klux Klan. Le réalisateur y décrit l’épouvante provoquée par un pouvoir noir qui règnerait dans le Sud depuis la fin de la guerre de Sécession. Les accusations de racisme poussent d’ailleurs Griffith à réaliser « Intolérance » (1916).
- Dans « Autant en emporte le vent », le travail des esclaves dans les champs est peu montré. Le rôle s’intéresse avant tout à la nourrice de Scarlet, rôle typique de l’esclave domestique qui vénère sa maîtresse et se plie à toutes ses volontés (ce rôle vaudra l’oscar du meilleur second rôle féminin à Hattie McDaniel ). Au bout du compte, les conséquences de l’esclavage ne sont pas, ou fugacement, évoquées.
Après la première guerre mondiale, la représentation des Noirs évolue quelque peu, mais ils restent cantonnés dans un très petit nombre de rôles : serviteur, danseur, musicien. En effet, musique et danse sont les rares talents reconnus alors aux Noirs. La découverte du Jazz met ainsi à la mode le folklore noir (« Le chanteur de Jazz » d’Alan Crosland).
Les rôles de Noirs à l’écran s’avèrent très stéréotypés (syndrome de l’oncle Tom) avec des personnages souriants et irréprochables, qui acceptent toutes les injustices.
Il faut vraiment attendre la fin des années 1940 pour voir des films qui proposent des rôles positifs aux Noirs Américains (« Pinky » d’Elia Kazan ; « L’intrus » d’après W. Faulkner).
Sidney Poitier, premier acteur noir vraiment reconnu à Hollywood incarne ainsi un médecin brillant (No way out de Mankiewicz en 1950), un officier de police surdoué dans « la chaleur de la nuit » de Norman Jewison (1968), un brillant chimiste dans « Devine qui vient dîner ? » de Stanley Kramer (1967). Il campe des personnages bien sous tous rapports, présentables, issus de la classe moyenne mais davantage tolérés qu’acceptés par la société blanche dans laquelle ils évoluent.
Au fond, il incarne l’idéal intégrationniste. Les films dans lesquels apparaissait Sidney Poitiers laissaient entendre qu’il était possible pour les Noirs d’être acceptés dans la société américaine. La réalité était pourtant différente pour beaucoup ( émeutes raciales qui secouent les Etats-Unis, appel des Black Panthers à passer à l’action militante).
Ne pouvant traiter ouvertement du racisme dans le film qu’il voulait faire, George Romero utilise le cinéma de genre (l’horreur) pour traiter du racisme, en évitant ainsi la censure directe. Dans
La Nuit des morts-vivants (1968), il stigmatise les travers individualistes de la société états-unienne et de ses valeurs familiales, et s’attaque au racisme qui la gangrène : une petite fille achève sa mère adorée à coups de truelle, un frère devenu zombie revient dévorer sa sœur, pendant qu’à l’extérieur, les humains se regroupent en milices fascistes et finissent par tuer le seul personnage positif du film, ayant survécu aux zombies, mais qui a le malheur d’être noir… (cf. Rouge n° 2124).
A parti de 1971, la naissance de la Blaxploitation (contraction des mots « black » et « exploitation ») constitue la première offensive cinématographique noire contre la représentation traditionnelle et dévalorisante des Noirs à l’écran. Des films plus en phase en tout cas avec l’existence des Afro-américains, notamment dans les ghettos. Pour la première fois, ils deviennent acteurs de leur destin à l’écran, plus seulement des personnages passifs.
Un genre où les héros évoluent dans un univers fait de violence, de trafics, de justice privée et de sexe.
Un genre spécifiquement destiné au public Afro-américain et où la musique noire va tenir un rôle primordial et complémentaire aux films (exemple avec le célèbre thème de Shaft composé par Isaac Hayes, ou le Superfly de Curtis Mayfield, la B.O. de « Black Caesar » par James Brown).
Dans « Sweet Sweetback’s Baadasssss Song » (1971), le réalisateur Melvin Van Peebles incarne Sweetback, antihéros noir qui assiste au passage à tabac du leader d’un groupe de manifestants par deux policiers blancs. Prenant alors la défense du militant, il finit par assommer les deux policiers et devient la cible de toute la police de Los Angeles. Commence alors une fuite soutenue par la population noire qui le mènera au Mexique. Il s’agit de l’une des oeuvres les plus politiquement engagée dans la défense du Noir contre le Blanc.
La Blaxploitation restera au sommet pendant un peu plus de quatre ans. Ensuite, les réalisateurs n’arrivent plus à renouveler le genre et finissent par le faire sombrer dans le ridicule.
La Blaxploitation aura en tout cas permis aux Afro-américains de se faire une place dans le cinéma et dans la société américaine par la même occasion.
Aujourd’hui, de nombreux acteurs noirs tiennent le haut de l’affiche dans des rôles valorisants et incarnent de moins en moins les rôles de dealers, de macs, et de gangsters.
En guise de conclusion, la notoriété d’acteurs et d’actrices noirs tels que Denzel Washigton, Morgan Freeman, Samuel L. Jackson, Halle Berry, Whoopi Goldberg, témoigne du chemin parcouru. Mais il aura fallu attendre 2002 pour que Hollywood reconnaisse cet état de fait, en remettant les oscars des premiers rôles masculin et féminin à D. Washington et H. Berry.
Sources : - Manière de voir n°88, article de M.F. Briselance « le Noir dans le cinéma blanc ». - La documentation photographique n°8028 : « Histoire et cinéma aux Etats-Unis ».
- http://www.grioo.com/info4568.html